L'être qui travaille se dit : Je veux être plus puissant, plus intelligent, plus heureux – que – Moi.
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Jacques Rancière

mercredi 14 décembre 2011

Othello - Welles

Ruine d’un homme qui ne peut envisager le mensonge

Scène d’ouverture fracassante. Le crâne d’Othello vu comme l’univers entier entre dans le champ. Tragique annoncé. Corps transportés sur les remparts de Chypres sous le regard du meurtrier. Les cadavres d'Othello et de sa femme filent vers le tombeau pendant que Iago est enfermé dans une cage suspendue.

Tout commence à Venise où Othello, général maure, mercenaire de la ville, s’empare puis se marie avec Desdémone, jeune fille noble de la cité. Iago, sans réelle raison - déteste-t-il les maures, veut-il prendre sa place, est-il juste l’agent du Mal - prévient le père de Desdemone du comportement de sa fille. Scène de jugement chez le doge, où Othello affirme qu’il n’a pas enlevé Desdémone par la force, mais par le pouvoir d’attraction de sa vie, de son courage, de sa vertu. Il est le Héros antique, débordant sans faille aparente. Desdémone, elle, est la pureté d’obéissance puisqu’ayant fait le choix de se marier et d’obéir à son mari, elle n’écoute désormais plus les arguments de son père.

Othello est envoyé à Chypre pour battre la flotte turque accompagné de sa femme et de la cour. Iago continue alors son œuvre de deliaison par le mal. Il projette de faire déconsidérer Cassio, lieutenant de l’armée, pour que la bonté naturelle de Desdemone envers les futures requêtes de réintégration de Cassio soient perçus par Othello comme une liaison amoureuse. Pour cela Iago enivre Cassio, puis le provoque par l’intermédiaire de Rodriguo et s’arrange pour faire passer le tout comme une mutinerie. La mal est à l’œuvre. Ne pouvant accepter que les êtres ne soient pas tels qu’ils parlent ou agissent, que l’homme soit double, que le mensonge existe, Othello croit tout ce que lui raconte Iago, et fait punir Cassio. Désormais Iago tirent les ficelles. Il est l'homme du faux, du mensonge, de la parole qui n'adhère plus au réel. Par l’intermédiaire d’un mouchoir offert par Othello à sa femme, il arrive à persuader Othello d’une relation sexuée entre Cassio et Desdémone. Le piège se referme. Encore fois c’est bien parce qu’il ne croit pas à la possibilité de la duplicité des êtres que la preuve du mouchoir pousse Othello à l’ivresse de la jalousie. Ultime scène de doute sur les remparts de la ville, mais Iago finit par le convaincre avec un nouveau subterfuge, faisant passer les paroles de Cassio envers une prostitué pour un discours sur Désdémone. Le faux est perçu comme le vrai. Othello est prêt à rendre le monde à sa pureté en éliminant les impures. Il étrangle sa femme. Pendant ce temps Iago s’est proposé de tuer Cassio, il en profitera pour éliminer aussi Rodrigo, agent du complot. Mais au moment ultime, la vérité réapparait par l’intermédiaire d’Emilia, femme de Iago, qui affirme la pureté de Desdémone, et que le mouchoir, preuve métaphysique , a été déposé chez Cassio par Iago. Othello, le Héros univoque ce suicide. Ses dernière paroles sont : décrivez moi tel que j’étais.

Othello, c’est la haine du mensonge, au point de ne pouvoir envisager la duplicité des êtres. Iago en est l’exact opposé, le machiavelisme comme profession de foi, le mal sans cause. Les héros ne peuvent vivre dans un monde gris. Ils ne sont pas fait pour cela. Mais surtout visuellement c’est l’orgie. Des plans orthogonaux, des grilles d’ombres, des scènes au nombre d’or, des raccords impossibles, Welles l’Eisenstein de l’expressionnisme, du baroque au service de la tragédie classique. L’acteur monstre. La fille pure. Des cadres décadrées recadrés raccordés par des cadres en cadence. Les ombres parlent. L’architecture déconstruite comme support de la tragédie. Et une kabbale orthonormé de la vue. Mille plans, Mille Vérités.

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