L'être qui travaille se dit : Je veux être plus puissant, plus intelligent, plus heureux – que – Moi.
Paul Valery
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Henry James
Non pas seulement le futur à prévoir, mais l'avenir à libérer.
Jacques Rancière

mercredi 14 décembre 2011

Voyage en Italie – Rossellini

Le couple comme structure du stable menace d’exploser en Italie puis se réconcilie.

Alexander et Katherine Joyce quittent l’Angleterre pour l’Italie le temps d’un voyage d’affaire. Cela fait longtemps qu’ils ne sont retrouvés seuls. Leur condition d’expatrié les fait se sentir étranger à eux même. Lors d’une première soirée italienne, Katherine remarque que son mari porte plus d'attention à des inconnues éphémères qu’à elle-même, sa propre femme. Le lendemain, dans la maison de leurs amis prés du Vésuve, Katherine évoque le souvenir d’un de ses amis poète, mort il y a deux ans. Alex ne se souvient pas de ce jeune homme, de plus il se moque ouvertement de ses vers « Temple de l'esprit. Plus de corps, mais de pures images ascétiques... auprès desquelles la simple pensée semble chair... Lourde, terne ». Il donne d’autant dans le dédain que ce poète était sans doute un prétendant de sa femme. Le lendemain celle-ci part visiter le musée de Naples avec ses stars comme le Hercule de Caracalla, le taureau Farnèse et les icônes Néron, Tibère et autres vedettes. Elle est marquée par tout cette vie pétrifiée, elle remarque que ces morts ne semblent pas différents des vivants, que si ils reprenaient corps, ils auraient exactement les mêmes sentiments. Nouvelle soirée chez un comte où se retrouve toute la dolce Vita Italienne qui noie son mal être dans la fête. « Indolent ce n’est pas le terme pour un naufrage ». Cette fois c’est Katerina qui est sollicitée et Alex dans le rôle du jaloux. Le lendemain le couple se sépare. Katherine visite d’abord les grottes de la Sybille , puis le Vésuve où un guide lui montre le processus de ionisation qui veut que lorsque l’on souffle de la fumée sur un partie du volcan, c’est l’ensemble qui réagit ; stimulus local, réponse global, tout est lié. Pendant ce temps Alex est à Capri. Il drague mollement une femme là bas, boiteuse, en attente de son mari, mais elle finit par lui dir qu’elle est toujours amoureuse de son homme même si celui-ci peut parfois été blessant.
Le couple se retrouve pour une nouvelle fois se déchirer, la décision du divorce est prise. Mais leur hôte leur propose de visiter les fouilles de Pompéi. Ne pouvant y échapper le couple se voit contraint d’être soudé encore un moment. Sur le chantier on découvre deux momies pétrifiées par le temps : un homme et une femme. Katerina est bouleversée par cette image. Elle part. Alex la rejoint. Aucune réconciliation n’est possible. Chaque phrase est une blessure. L’enfant qu’ils n’ont pas voulu avoir resurgi ici. Finalement Alex et Katerina se retrouvent bloqués dans une procession religieuse. Katerina est emporté par la foule. Alex l’aide à s’en extirper. Miracle. Miracle puisqu’un paralytique se lève. Miracle du dialogue :

Katerina
Je ne veux pas vous perdre.
Pourquoi nous torturons-nous ?
Quand vous me blessez,
j'essaie à mon tour.
Mais je ne peux plus,
je vous aime.
Nous sommes trop sensibles.
Dites-moi que vous m'aimez.

Alex
Me jurez-vous
de ne pas en profitez ?

Katerina
Oui, mais dites-le.
Je veux l'entendre.

Alex
Je vous aime.

Film court, une heure vingt pour montrer la fragilité d’un couple se retrouvant face à lui-même, à l’Histoire, aux éléments, au sexe opposé. Facilité évidente de déni de l’autre. Difficulté de la communication, même avec son concubin « Mon mari a toujours été tellement ironique, tellement blessant, que je ne faisais que me replier sur moi-même ». Sans doute plein de référence para mystique (la Sybille, la procession, le Vésuve, les encendrés de Pompéi ) qui m’échappent. Refus d’une lourdeur psychologique, mais évidence du propos, un peu comme une nouvelle de Carver. L’amour face au temps.

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